Par Geneviève April
Au début d’avril le Ministère de la Santé et des Services Sociaux (MSSS) a ordonné un délestage du système de santé — incluant dans les services psychosociaux — en prévision de la crise sanitaire qui menaçait.
« On nous a dit qu’on devait rappeler les clients sur la liste d’attente du service d’accueil psychosocial, et ne garder que les cas très urgents, ceux qui sont un danger imminent pour eux-mêmes ou les autres », explique une travailleuse sociale parlant sous le sceau de l’anonymat. « Tous les autres, on fermait la requête et on leur demandait de refaire une requête une fois que la crise sera passée ».
Les dossiers les plus urgents ont pour la plupart été référés en santé mentale, quelques-uns ont été réattribués parmi l’équipe psychosociale. Certains dossiers en cour ont aussi été fermés ou leur niveau d’importance a été revu à la baisse.
« Le maintien d’une offre de service adaptée à la situation pandémique est essentiel. Les équipes d’intervenants psychosociaux et de travailleurs sociaux doivent être maintenues le plus possible à pleine capacité pour assurer l’accessibilité aux services d’aide en situation de crise, la couverture temporelle de 24/7 et le soutien ainsi qu’une référence optimale vers les programmes et services spécifiques », explique Robert Maranda, responsable des relations de presse au MSSS, dans un courriel.
« La direction nous a dit que l’ordre venait d’en haut. Que l’on devait faire notre rapport disant que l’on avait offert de une à trois heures de consultation, même si dans les fait on n’avait parlé à peine dix minutes avec la personne. Que [la responsabilité pour] le dossier nous était automatiquement attribué. C’est pas des problèmes qui se règlent en dix minutes. Moi, je mets mon nom sur ce rapport-là. Si il arrive quelque chose, c’est moi qui va être responsable », souligne l’employée, qui s’inquiète des clients qui n’auront pas le suivi adéquat, faute de ressource.
Une demande similaire, d’attribuer automatiquement à un travailleur social le dossier de tout patient auquel il aurait parlé, même brièvement, avait été faite par la direction en janvier dernier, mais ‘mise sur la glace’ devant l’ire des employés.
Suivant le délestage, la demande de services liés à l’éclosion de CoVid19 a été beaucoup moins élevée que prévue. Les demandes de soutien psychologique directement liées à l’éclosion sont si peu nombreuse, que les consignes ont été revues.
« Depuis deux semaines, j’ai eu seulement un nouveau client lié au virus. On nous a demandé de recommencer à prendre des demandes générales », continue la travailleuse sociale.
Or, les nouvelles demandes sont immédiatement traitées, puisque la liste d’attente a été liquidée. « Les clients que j’ai appelé pour fermer leur dossier, on leur a dit de ne pas refaire de demande tant que la crise n’est pas terminée. Les nouvelles demandes passent en avant de tout le monde ».
« Pour l’instant, avec le délestage qu’on nous a imposé, ça va, on gère bien. Mais je ne sais pas ce qu’on fera quand on sera appelé en renfort en CHSLD. Du jour au lendemain, je peux devoir « dumper » mes clients à mes collègues, qui ont déjà eux aussi une charge de travail qui approche la surcharge », termine-t-elle.