Utilisés d’un côté par le gouvernement Legault pour justifier des décisions parfois bancales, et de l’autre, tenus responsables de l’augmentation des cas de la covid, les jeunes ont le dos large.
Par Sarah Guilbault
Souvent, le portrait de la situation des jeunes, tel que dessiné par les médias, ne représente ni la variété de leurs opinions, ni l’ensemble de leur réalité. Le gouvernement Legault — et trop souvent les journalistes — parlent d’une catégorie d’élèves comme si toute la communauté étudiante était du même avis. Pour plusieurs, ils se sentent mis à part dans ces décisions qui auront de profonds effets sur leur futur. Ils souhaitent pouvoir s’exprimer et se sentir écoutés.
« Les éleves de secondaire 3, 4 et 5 partout au Québec vont être à tous les jours à l’école et ça pour moi c’est une vraiment belle nouvelle, car c’est là que devrait étre nos enfants » a déclaré le premier ministre François Legault le 23 mars.
Le gouvernement Legault prétend les entendre, les comprendre et de savoir ce dont ils ont besoin. De nombreux étudiants pensent le contraire. Les élèves du secondaire font face à des règles contradictoires et des horaires qui changent constamment. Par conséquent, ils se retrouvent dans une situation anxiogène où il est impossible de s’adapter.
« C’est vraiment difficile de suivre les horaires, vu qu’ils changent tout le temps. C’est épuisant de toujours changer de routine ».
• Amelys, 15 ans, Zone rouge
« C’est bien en théorie, mais honnêtement, ces changements constants me donnent la migraine. Une journée à la maison, une journée à l’école, ça rend les choses difficiles à gérer ».
• Pénélope,16 ans, Zone rouge
Pour qu’un étudiant réussisse dans ses études, il lui faut un environnement stable et sécuritaire, peu importe que son parcours scolaire se fasse à la maison ou en classe.
« On n’a pas assez de soutient, on doit s’adapter à beaucoup de choses en même temps et ça rend l’apprentissage plus difficile ».
• Chloé, 16 ans, Zone rouge
Selon le gouvernement Legault, tous les élèves cherchent à retourner à l’école.
« Ça va être une mesure formidable pour la réussite scolaire, pour la santé mentale. On y travaille on a hâte que ça arrive » de déclarer le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge, le 9 mars.
Plusieurs parmi les étudiants du secondaire trouvent pourtant que les décisions prises par le gouvernement Legault à leur égard sont risquées et soulèvent de l’anxiété parmi certains, qui craignent pour la santé de leur famille.
« Le confinement a affecté ma santé mentale [comme beaucoup de jeunes] mais le retour à l’école a été pire. Je sens ma santé mentale partir en chute libre à cause du stress et l’anxiété que me cause le mélange de tout ».
• Naïka, 15 ans, Zone rouge
« Les écoles ouvertes à temps plein en ce moment c’est comme jouer avec le feu. Par exemple, sur une plage il y a toujours des vagues qui arrivent et c’est comme dire : « oh la vague est partie ou elle se stabilise donc go faire un château de sable à coté »»…
• Mahdi, 16 ans, Zone rouge
De nombreux élèves préfèreraient poursuivre leurs études en ligne, à la maison. Ils trouvent déconcertant de devoir gérer deux environnements en même temps. Très peu de jeunes demandaient l’ouverture des cinémas. Nombreux sont ceux qui, bien qu’ils pratiquent un sport organisé, auraient préféré attendre avant que les sports d’équipes reprissent.
« Chaque fois qu’on voit le nombre de nouveaux cas diminuer, le gouvernement décide de rouvrir les restos, cinémas et cetera. On aurait la possibilité de retourner à la vie normale, mais il prend souvent les mauvaises décisions [selon moi] et on ne s’avance pas.
Je me sens très passive devant cette situation. On est obligé d’aller à l’école même s’il y a beaucoup de risques. Je suis en secondaire 4, c’est l’année la plus importante, je suis obligée d’y aller, sinon je vais couler l’année ».
• Bailin, 16 ans, Zone rouge
Il ne faut pas oublier que beaucoup d’élèves sont tout aussi stressés et anxieux à l’idée de retourner en classe. Le gouvernement Legault donne toute la place aux élèves qui souhaitent retourner à l’école et néglige l’opinion et le bien être des autres.
L’école, c’est une micro-société. Comme dans la société adulte, il s’y trouve des jeunes qui ne croient pas au virus, qui sont anti-masque et d’autres qui craignent pour leur santé.
Personne n’envisagerait mettre 1 000 travailleurs en quartiers rapprochés, dans des locaux exigus, vétustes et mal ventilés … Alors qu’on l’impose aux étudiants, qui eux n’ont pas la possibilité de sortir de l’école s’ils ne se sentent pas en sécurité, qu’ils n’ont pas l’option de se plaindre des mesures non respectées. Il serait pertinent de cesser de blâmer les jeunes dès que les cas montent, alors qu’ils tentent de leur mieux de suivre les consignes.
« On prend un certain risque, de dire dans la Zone rouge, les élèves de secondaire 3, 4 et 5 vont aller à l’école tous les jours, mais on calcule que c’est un risque qui en vaut la peine parce qu’il y a un impact sur les apprentissages, sur la socialisation, sur la santé mentale des jeunes », à déclare le docteur Horacio Arruda, le 23 mars.
« Il y a trop de personnes au même endroit en même temps. Même s’ils prennent des mesures pour baisser les cas, je pense que retourner tout le monde [à l’école] ça va juste empirer les affaires ».
• Max, 15 ans, Zone rouge
« Mêmes si les règlements sont supposés nous protéger, la plupart vont se contredire. On doit garder nos distances en classe, mais rendu dans le cours d’école ou même dans les escaliers, nous sommes tous collés. C’est encore pire, vu que tous les élèves de l’école sont maintenant tous à l’école ».
• Amelys, 15 ans, Zone rouge
Les étudiants sont obligés de suivre des mesures qui les mettent en danger et font reposer la santé de leur famille sur leurs épaules — une énorme responsabilité lourde à porter. Alors que le 12 janvier dernier, le ministre Roberge martelait qu’aucun compromis ne serait fait sur la santé des élèves, on apprend aujourd’hui que des masques distribués dans les écoles sont toxiques et que les études sur la ventilation n’étaient ni encadrées, ni reconnue par la Santé publique.
Depuis le début de la pandémie, les étudiants ont été flexibles, se sont adaptés à de multiples changements, ont subi autant – sinon plus – de contraintes que les adultes avec tous les efforts qu’ils ont faits, ils ne demandent que d’avoir le choix d’étudier à la maison en ligne ou à l’école.