Il serait nécessaire de passer à l’action immédiatement
Par Robert Frank
www.thesuburban.com
Laval pourrait profiter de l’expérience de Paris. Comme la capitale de la France, la ville a deux faces : elle offre des quartiers chics pour les arrivistes francophones et elle est devenue l’une des destinations de prédilection au Québec pour les immigrants — ceux pour qui le marché de l’emploi n’a offert que des rebuffades, les piégeant dans une pauvreté écrasante.
L’an dernier, notre journal The Suburban a publié des données du recensement de 2011, qui ont mis en lumière à quel point la pauvreté de Laval est ghettoïsée dans les districts où réside la plus grande concentration des nouveaux arrivants au pays.
Parfois, cependant, la richesse vit aux côtés de la pauvreté, comme dans l’Abord à Plouffe, où les brillantes tours de condos de l’Île Paton tranchent sur les logements à loyer modique du quartier.
Aujourd’hui c’est le clivage évident entre la population francophone de Laval et ses homologues non-francophones qui fait la nouvelle. Le plan quinquennal de développement que la ville a publié la semaine dernière met en relief l’ampleur de la disparité des revenus.
« Près d’un lavallois sur deux, prestataires du programme d’aide sociale, est une personne immigrante, soit 43,3 pour cent comparativement à 28 pour cent pour l’ensemble du Québec » apprend-t-on à la page 39 du Plan quinquennal de développement.
« À ces défis socio-économiques s’ajoute le défi du « vivre ensemble » et ses corollaires, soit ceux de la cohésion sociale, de l’établissement de relations interculturelles harmonieuses, de la sensibilisation des employeurs au potentiel de la main-d’œuvre immigrante, et de la préparation de la société lavalloise à l’accueil et à l’intégration de cette nouvelle population » ajoute-t-on dans le Plan.
Dans un seul paragraphe, la ville a mis en évidence une faille de longue date dans l’approche de Québec envers l’immigration.
La situation fâcheuse à Laval a mis en évidence le paradoxe où la province met une pression démesurée sur les immigrants à s’assimiler linguistiquement et culturellement, tout en oubliant systématiquement de les intégrer dans le marché du travail.
Ce phénomène n’est pas limité au Québec. Elle s’est soulevée dans des banlieues résidentielles de Paris en 2005. Un chômage similaire à ce qu’on voit aujourd’hui à Laval sévit dans ses banlieues ghettoïsée, où l’insatisfaction immigrante s’est déchaînée dans une violence généralisée.
Le Comité des partenaires en immigration de Laval est une table ronde qui a déjà reconnu le problème et s’est joint au gouvernement provincial afin de prendre des mesures pour sensibiliser les employeurs.
Alors que cette démarche préliminaire est de bon augure, tous les paliers de gouvernement feraient mieux d’emboîter le pas pour donner l’exemple.
La fonction publique, tant provinciale que municipale, ne reflète tout simplement pas la section démographique transversale ni de la ville ni de la province. Par contre, elle est devenue un refuge pour des québécois de souche, et ce de façon disproportionnée. La fonction publique fédérale au Québec devrait également voir si son visage reflète la réalité démographique québécoise actuelle.
Ouvrir les portes de la fonction publique à l’embauche des non-francophones serait un excellent point de départ. Un programme d’actions positives pour remédier à des décennies d’exclusion serait encore mieux.
Un emploi rémunéré est la meilleure façon d’intégrer la population. Il ne sert à rien d’exhorter les non-francophones à parler un français impeccable et à s’intégrer dans la société québécoise, s’ils demeurent dans l’impossibilité de gagner leur vie ici.
Une décennie après Paris, la disparité des revenus et des taux de chômage risque de faire de Laval une poudrière similaire qui n’attend qu’une étincelle. Si les élus avaient la prévoyance d’intégrer les immigrants au marché du travail, il pourrait en être autrement.
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